Comme je l'avais évoqué dans un article précédent (https://www.lyrides.fr/post/mon-corps-et-moi ), je n'ai pas toujours envisagé mon corps sous un jour bienveillant, mais je ne l'ai jamais torturé non plus. Mais voilà qu'entre perte et reprise de poids induites par les traitements de chimiothérapie, j'entrevois les affres des TCA (troubles du comportement alimentaire). En effet, je fais clairement du yoyo entre mon poids de forme (52kg) et mon poids pendant chimio (47kg au plus bas), engendré par les nausées, les vomissements, la perte d'appétit, le gout pâteux en bouche, les sensations désagréables dans la gorge, etc... Difficile de retrouver une relation apaisée avec la nourriture par la suite...

Les phases d'anorexie
Forcément, les jours qui suivent la chimio (7 jours avant, un peu moins depuis l'allègement des traitements), c'est l'anorexie qui domine naturellement: le jour même, je mange un minimum (voire plus du tout à partir du moment où je suis perfusée), parce que je préfère tout bonnement être affamée, plutôt que vomir ce que j'ingère. J'ai vraiment essayé de manger pendant le jour 1 de perfusion, mais tout finit invariablement dans la cuvette des toilettes (ou le sachet que j'emporte avec moi dans le taxi, dans le pire des cas). J'ai donc tout bonnement abandonné. Les jours qui suivent, j'essaye de manger en petites quantités et ça me suffit jusqu'à ce que je retrouve de l'appétit et des goûts normaux.
Mais si l'anorexie s'en tenait à ça, ce serait facile... Le problème, c'est que je me suis habituée à mon corps amaigri. J'avoue que je commence à redouter de le voir regrossir à chaque fois. Je me pèse une fois par semaine et je confesse que quand mon poids commence à remonter, cela me déplaît. Ainsi, il arrive que j'ai tendance à diminuer les quantités que je mange par choix et non pas par besoin.

Alternance avec des épisodes de boulimie
Lorsqu'enfin le goût et l'appétit reviennent, quelle joie! Il faut savoir que j'ai toujours aimé manger, cela fait partie des plaisirs de la vie pour moi. Mais la semaine qui suit la chimio, c'est parfois un peu trop débordant. Je commence par un chocolat, puis deux, puis trois... Sous couvert de m'alimenter plusieurs fois en petites quantités, les snacks et grignotages vont bon train... Je suis alors dans une logique de revendication du droit de manger par opposition à la privation que j'ai subi précédemment. J'ai l'impression qu'il faut que je me nourrisse absolument et que c'est un devoir pour faire remonter mon poids.

Comment j'essaye de m'en sortir...
Je me rends bien compte que je réfléchis trop à mes repas. Or, quand on commence ce genre de réflexion, c'est qu'on n'a plus une relation saine à la nourriture. Manger devrait être naturel, mais ça ne l'est plus pour moi. Le bon point, c'est que j'en ai conscience et que je souhaite travailler dessus. Je n'ai absolument pas un objectif physique, ni un poids en tête, je veux juste pouvoir manger tranquillement sans me prendre la tête.
Ce qui m'aide, c'est que j'estime que j'avais une relation naturelle à la nourriture et une alimentation saine avant. Je pars sur de bonnes bases. Donc je travaille à retrouver ces habitudes.
Je continue de planifier mes repas à la semaine, afin de garder une alimentation équilibrée.
Pour gérer les quantités de mon assiette, j'essaye de me baser sur celles que je mangeais avant. Bien sûr, il est nécessaire de s'écouter: j'essaye de renouer avec mes sensations pour déterminer si mon corps a besoin de plus ou de moins à ce moment-là. Cette phase n'est vraiment pas évidente, il s'agit d'apprendre à décoder de nouveaux signaux.
En ce qui concerne le grignotage, je ne me l'interdis absolument pas. De toute façon, je suis contre toute forme de restriction. Pour moi, ce sont les restrictions qui font naître les compulsions. J'essaye donc juste, encore une fois, de déterminer si j'ai vraiment faim ou non, et si l'aliment que je vais prendre, je l'aurais pris avant ou non et dans quelle quantité. J'essaye de prendre une pause pour donner à mon corps ce qui lui ferait du bien et ce qui lui serait vraiment utile. Mais parfois, il vaut mieux directement prendre un chocolat, plutôt que se forcer à prendre un yaourt, puis une pomme, puis un chocolat, parce que c'est vraiment ça que je voulais en fait! Cela ne fait qu'augmenter le volume de nourriture pour rien et c'est sans doute la base du fameux "foutu pour foutu"!
Bref, mon idée est vraiment de me calquer sur mes habitudes alimentaires passées.
Je me rends compte que j'ai peut-être trop employé le mot "essayer" dans cet article. Mais, en même temps, ces occurrences ne sont que le reflet de mon cheminement.
Peut-être que j'ai besoin d'aide aussi. J'ai la chance de pouvoir être suivie par une psychologue les jours de chimio donc je pense que je vais faire appel à elle et lui en parler. Parfois, le problème est trop lourd et on a besoin d'une aide extérieure. Je ne voudrais pas laisser le problème dégénérer, et c'est sans doute utile de se confier à un professionnel...