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La relation aux autres pendant l'épreuve de la maladie

"L'Enfer, c'est les autres"...

Quand même pas, mais lorsqu'on est confronté à une maladie telle que le cancer, ça se complique un peu. La réaction et l'attitude que vont adopter nos proches et notre entourage à une annonce de cet acabit est tout bonnement imprévisible. La relation que nous entretenons avec eux va changer à la fois au début, et aussi sur la durée, parce qu'un cancer est un parcours de longue haleine. On peut être surpris, ou déçu. Pourtant, il me semble qu'il y a énormément de choses complexes derrière tout ça...




Les autres: encaisser l'annonce

Quand je disais que la réaction de vos proches est imprévisible, c'est parce qu'il y a plusieurs "team".


Il y a ceux qui vont vous entourer et vous soutenir quoi qu'il arrive. Ils vont vous chouchouter et vous tirer vers le haut. Ils n'auront pas peur de répondre à vos besoins et même parfois, ils les anticiperont. Ils vous aiment et vont vous le montrer. Ils sont inquiets pour vous et ils vont même passer un doctorat Google pour trouver le traitement qui vous guérira (souvent la famille...typiquement, mon père!). Ils vont être présents, très présents, trop (?) présents, mais dans tous les cas, cela vous fera du bien.


Et puis il y a ceux qui vont s'éloigner: ils ne vous demanderont pas de nouvelles, ils ne seront pas là pour vous soutenir et ils n'essayeront pas de savoir comment ils peuvent vous aider. Ils brilleront par leur absence. On a alors l'impression qu'ils ne s'inquiètent pas pour nous et que, carrément, ils n'en ont rien à faire. Ils continuent leur vie à eux et puis c'est tout!


Là où ça peut être très douloureux, c'est quand vous pensiez que certains feraient partie de la 1ère team et qu'en fait, ils appartiennent à la seconde.

A contrario, certaines personnes pourront vous surprendre: vous pensiez ne pas être important pour eux, et finalement ils rejoignent la team de vos plus fervents supporters.

J'ai la chance d'avoir été très bien entourée dès le début, et j'ai aussi eu la surprise de découvrir mes collègues sous un autre visage. J'ai découvert une équipe soudée autour de moi, prête à me prêter main forte, et qui ne m'oublie pas, même sur la durée. J'en ai été particulièrement émue et je leur en serais éternellement reconnaissante...


Mais j'ai été aussi confrontée au second cas de figure. Dès l'annonce du diagnostic, nous avons été réunis avec des amis autour d'un goûter. On a pris de mes nouvelles, mais j'ai tout de suite remarqué qu'un de nos amis, qui était quand même plutôt proche, avait le regard fuyant. Il n'a posé aucune question. Quand mes traitements ont commencé et que j'étais trop sonnée pour donner des nouvelles, on nous avait quand même envoyé des messages pour savoir comment ça allait. Cet ami, rien. Quand mon mari le voyait, ses amis demandaient comment je me portais, lui, rien. Pendant plusieurs mois, aucun témoignage de soutien. Sa vie à lui était en train de changer, en bien, et visiblement, il n'y avait que ça qui l'intéressait. C'était étrange, un peu rude. Cependant, je savais déjà que cela ne me toucherait pas.


Voyez-vous, on a tous nos filtres. J'ai cette lucidité qui consiste à me dire que je ne suis pas dans sa tête. Donc je ne vais pas lui prêter des sentiments à mon égard que je ne connais pas, je ne vais pas chercher à interpréter son attitude. C'est comme ça, un point c'est tout. Je ne connais pas son vécu avec la maladie: peut-être y a-t-il déjà été confronté avec des amis ou sa famille et cela a pu être traumatisant pour lui. Peut-être se protège-t-il parce qu'il n'a pas la force de revivre ça. Peut-être ressent-il trop de pression: certaines personnes se disent qu'ils doivent sourire, être enjoué, tout le temps présent, et c'est au-dessus de leurs capacités. Peut-être ne sait-il pas quel comportement adopter. Peut-être est-il pessimiste et croit-il que tout est déjà perdu et qu'il fait comme tel pour s'habituer. Peut-être ne veut-il pas être confronté à quelque chose de douloureux. Peut-être que je ne compte tout simplement pas pour lui.


Cela fait beaucoup de "peut-être", n'est-ce pas. Bref, je suis passée outre et quelques mois plus tard, c'est nous qui avons pris l'initiative de l'inviter à dîner. Et il a accepté. Il est venu et la soirée s'est parfaitement déroulée, comme avant. Nous avons ri, j'ai tendu une perche pour partager mon parcours et il l'a saisie. A cette occasion, il nous a confié qu'au fameux premier goûter, il était mal à l'aise et ne savait pas s'il pouvait en parler ou pas. Depuis, quand nous nous voyons, il s'intéresse à mon parcours. Mais en-dehors de ça, il ne prend jamais de nouvelles. C'est comme ça. C'est quelqu'un de discret, et je crois qu'il ne veut tout simplement pas être intrusif ou être maladroit.


Tout ça pour dire que vous ne savez pas ce qu'il y a dans la tête des gens. Si leur éloignement est difficile à vivre pour vous, n'ayez pas peur de faire le premier pas. Ne laissez pas votre égo vous dictez sa conduite en vous disant que ce n'est quand même pas à vous d'aller vers cette personne. Si elle compte pour vous, ce serait dommage de la rayer de votre vie, alors qu'il suffit tout simplement de demander.


Et puis malheureusement, il est possible qu'il y ait des gens qui ne souhaitent plus vous côtoyer. Qu'il s'agisse d'un membre de votre famille ou d'un amis, c'est quelque chose de douloureux à vivre. Mais c'est aussi quelque chose qu'il faut accepter. En fait, tout le monde sait déjà le faire. Nous avons tous déjà été flexibles dans nos relations sociales. Nous avons accepté d'avoir des amis à l'école, d'autres amis à l'époque de notre vie de jeune adulte, d'autres amis quand nous avons commencé à être en couple, d'autres amis quand nous avons commencé à avoir des enfants, ou d'autres amis qui ne souhaitaient pas ces choses-là justement. En un mot, nous allons vers des gens qui sont capables de faire résonner notre énergie. L'épreuve de la maladie n'est pas différente: il faut accepter que nous avons partagé de supers moments avec eux à une époque de notre vie, mais qu'ils ne feront pas partie de ce chapitre-là. C'est leur décision, mais s'ils s'en vont, c'est finalement mieux pour nous. Ils ne sont pas capables de nous donner ce qui nous correspond à ce moment de notre vie. Remercions-les pour les bons moments passés en leur compagnie, et passons à autre chose.





Moi et les autres: s'épanouir avec ou sans eux.

Et puis, il y a l'autre versant, ce qu'il se passe dans notre tête à nous. Je pense que ce qu'on attend des autres est assez révélateur de notre état d'esprit. Il est intéressant de s'interroger sur le "Pourquoi?".


Pourquoi attend-on de notre entourage qu'il prenne sans cesse de nos nouvelles? Pourquoi souhaiter qu'il soit toujours disponible et réponde à nos moindres besoins? Ne serait-ce pas symptomatique de notre manière de nous envisager? Est-ce que quelque part nous ne penserions pas être devenu le centre du monde? Attendre beaucoup des autres est tout de même un peu égocentrique. J'ai une maladie, je vis un parcours difficile et handicapant, mais la vie ne s'arrête pas. Les gens autour de moi continuent d'avoir un travail, ils doivent s'occuper de leur famille, ils ont toujours leur quotidien à gérer. Il est important de ne pas hiérarchiser sa souffrance par rapport à celle des autres. Leur fatigue, leur tristesse, leurs déceptions quotidiennes, qui font partie de leur vie, sont tout aussi légitimes. Ils ne peuvent pas ne s'occuper que de nous, parce qu'ils ont aussi d'autres choses en tête. Et mon épreuve n'est pas un frein à leur bonheur: ils ont le droit de poursuivre leur vie, ils ont le droit d'être heureux et de planifier des choses qui les rendent heureux.


D'autre part, si nous attendons trop des autres, ne signifie-t-il pas que nous nous enfermons trop dans un statut de victime? Bien sûr, mon épreuve apporte son lot d'handicaps quotidiens, et j'ai le droit d'avoir besoin d'aide. Mais il est aussi de mon ressort de faire des choses, de m'organiser pour pouvoir m'en sortir un peu moi-même. Je ne souhaite pas commencer à être totalement dépendante.

On peut aussi juste pouvoir parler,s'épancher...Cependant, est-ce bien cela ou souhaitons-nous juste qu'on nous plaigne? Oui, notre souffrance est réelle, mais s'enfermer dans nos plaintes ne nous fera pas aller mieux. C'est à nous de trouver les ressources intérieures pour retrouver le moral et la force de nous en sortir.


Cela peut vous sembler dur, mais ne sont que des pistes de questionnement. A vous de voir si cela correspond à votre réalité ou non...


Enfin, je trouve qu'il est important de prendre du recul et de se rendre compte qu'on ne réagira pas de la même façon selon l'interlocuteur. Par exemple, j'avais mal pris la blague de mon mari sur la perte de mes cheveux. J'avais été blessée et je le lui avais fait comprendre. Peu de temps après (genre la même semaine, donc on ne peut pas dire que mon état d'esprit avait vraiment changé), ma meilleure amie fait une blague similaire, et j'avais rigolé. Pourquoi? J'ai réalisé que je n'avais juste pas les mêmes attentes vis-à-vis d'elle. Il était donc dommage d'en vouloir à mon mari pour une blague que je tolérais en fait. Il suffit juste de clarifier les choses.






Prendre en main sa relation avec les autres

C'est justement le dernier point que je souhaitais aborder. Il est primordial de comprendre que la majeure partie de notre entourage ne se rend absolument pas compte de l'épreuve que nous traversons. Ils ont beau vouloir nous épauler et faire preuve d'empathie, ils n'ont pas vécu les émotions, les souffrances, les douleurs que nous ressentons. Ils ne les ont pas connues et ne peuvent pas en mesurer l'ampleur. Il est donc nécessaire d'avoir une position claire sur ce qu'ils peuvent faire pour nous.


Comme je l'ai dit précédemment, nous n'attendons pas la même chose de nos interlocuteurs, et eux-mêmes, ne sont pas en capacité de nous apporter la même chose. Pas plus tard que le mois dernier, quand j'ai rencontré un gros passage à vide, il m'a fallu avoir une discussion avec mon mari. En effet, celui-ci écoutait mes douleurs et mon mal-être et acquiesçait. C'était vraiment une oreille attentive, et pourtant, j'avais l'impression qu'il n'en avait rien à faire dans le fond. En fait, c'était tout simplement parce que ce n'était pas la posture que j'attendais de lui. Bien sûr, je souhaitais qu'il m'écoute, mais je voulais surtout qu'il me soutienne et qu'il me tire vers le haut. Je lui ai donc dit et il a changé sa posture, ce qui m'a fait beaucoup de bien. Mais si j'avais gardé ma rancoeur pour moi, il n'aurait jamais pu deviné car il croyait bien faire.


Ce besoin d'être écouté et compris est une composante majeure de notre parcours. On peut sans doute facilement trouver des personnes prêtes à nous écouter, mais parfois, cela nous énerve parce qu'elles ne semblent pas bien comprendre ce que nous partageons ou ne pas dire ce que nous voudrions entendre. Encore une fois, c'est normal, ce n'est pas de la mauvaise volonté de leur part, c'est tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas comprendre. C'est réellement impossible pour eux de savoir ce que nous vivons. Il faut donc que nous trouvions par nous-mêmes des interlocuteurs qui ont cette capacité, via des associations ou mêmes les réseaux sociaux. C'est quelque chose que j'aimerais bien mettre en place, des cercles de paroles virtuels, car je ne sais que trop bien à quel point c'est difficile de trouver du temps ou de se déplacer. alors même que c'est tellement important de pouvoir échanger avec des personnes qui comprennent...


Enfin, une grosse partie de votre entourage souhaite également vous soutenir. Sauf que s'ils n'ont jamais été confrontés à ce genre d'évènement, ils ne savent tout simplement pas quoi faire. Pour ma part, je me suis très vite rendue compte que ce qui me pesait le plus, c'était de ne pas être en capacité de nourrir correctement mon fils. Il me tient à coeur de lui apporter de la nourriture saine et faite maison au quotidien. Or, les semaines de chimio, je suis incapable de cuisiner, et faire du batch-cooking la semaine où je suis bien relève trop de la charge mentale. J'ai donc accepté l'idée que d'autres personnes nous préparent à manger et il m'a fallu leur demander clairement. Il se trouve qu'en fait, les gens étaient ravis, car c'était une aide concrète qu'ils pouvaient m'apporter. Après, c'est quelque chose qui reste difficile à organiser car certaines semaines, on m'apporte trop de plats, et d'autres, personne ne semble disponible... C'est la raison principale pour laquelle j'ai créé l'application Lyrides pour coordonner tout ça. D'ailleurs, il va falloir que je la réactive pour moi car maintenant que j'ai repris les grosses chimios, j'ai davantage besoin d'aide. Et pour ceux qui se disent qu'ils en auraient bien besoin également, je compte très prochainement l'ouvrir gratuitement à tous!


Voilà, j'espère que ce long article vous permettra d'avoir une relation apaisée avec votre entourage quelle que ce soit l'épreuve que vous vivez...


Bonjour et merci pour votre visite !

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